Un duo très symbolique
Ce couple féminin a fait l’objet de si nombreuses représentations qu’il a pris valeur de stéréotype, intégré tel quel au roman national.
Le rappel d’un drame national
Si l’on peut sourire de nos jours devant le symbolisme appuyé de cette évocation, on ne saurait oublier le traumatisme qu’a représenté à l’époque l’intégration de ces deux provinces dans le Reich allemand.
La figuration émouvante de ces femmes en tenue traditionnelle a longtemps servi d’instrument politique pour galvaniser l’esprit patriotique et apporter une justification à la « Grande Guerre ».
Un monument en miroir
Un large contingent d’alsaciens installés là, après avoir choisi l’exil, y entretenait un fort ressentiment face à la situation des « provinces perdues ». D’où l’allure éplorée des personnages, dans la droite ligne de l’imagerie de l’époque.
Un lieu inhabituel
Presque naturelle à Nancy, la présence de ce duo bien particulier surprend davantage à Paray le Monial, bien loin des territoires d’Alsace ou de Lorraine, davantage concernés par le sujet.
Un groupe très symbolique
A Paray le Monial, toutefois, la mise en scène se veut très différente. Nous ne sommes plus dans le registre des regrets et des pleurs mais dans celui de la revanche.
Une plaque apposée au bas du monument, intitulée « LE RETOUR », vient d’ailleurs expliciter la scénographie du groupe: les deux personnages en costume régional font face à un soldat en uniforme de la guerre 14-18, l’ensemble symbolisant le retour de l’Alsace et de la Lorraine dans le giron français après la Première Guerre.
On retrouve ici les principes de l’esprit patriotique existant après les combats de la Première Guerre Mondiale.
Un premier mémorial
Un premier monument, où ne figurait que ce soldat, fut érigé et inauguré en 1900. (A noter qu’un monument comportant une statue identique existe à Taninges en Savoie, à Beaumont-de-Lomagne dans le Tarn et à Limoux dans l’Aude ainsi qu’à Epieds dans la Beauce).
Il est à noter que les monuments commémorant ce conflit sont plutôt rares sur le territoire, faisant souvent tomber dans l’oubli le souvenir de cet épisode sanglant de notre Histoire.
Un monument en deux temps
Après la Grande Guerre, l’idée fut avancée d’ajouter à ce monument le nom des victimes de 14-18.
Le projet fit l’objet d’un concourt qui eut pour résultat le réemploi et l’agrandissement du monument initial. (C’est le projet de Mr. Pierre CURILLON, (1866-1952), sculpteur installé à Paris mais originaire de Tournus, qui sera choisi).
Une scénographie particulière
D’où l’ajout, à l’avant, du groupe de personnages en bronze représentant un soldat de la Grande Guerre ramenant aux pieds du vaincu de 1870, l’Alsace et la Lorraine enfin libérées.
L’ensemble se voulait une référence directe à l’imagerie en vogue à l’époque, utilisant le thème fédérateur de l’alsacienne et de la lorraine entourant le soldat vainqueur.
Déplacé à proximité de la basilique, le monument transformé sera inauguré en 1923.
Les personnages féminins
L’alsacienne serre dans ses mains une couronne de laurier, en symbole de victoire, tandis que la lorraine tient la palme du martyr, en référence au soldat au-dessus d’elle.
Le personnage de l’alsacienne se reconnaît de loin grâce au nœud de ruban qui la coiffe. Raison sans doute pour laquelle elle est placée sur le devant, mettant en retrait sa compagne une peu moins iconique.
Le soldat
Face à elles, le soldat de la guerre 1914-18 se tient debout, les yeux également levés. Du geste, il présente ses compagnes au soldat au sommet du mémorial. Son attitude est calme, le visage serein.
L’ensemble est empreint d’une certaine gravité, en accord avec la symbolique de l’instant représenté.
Une mise en scène très symbolique
Mise en place aux lendemains de la Première Guerre mondiale pour rappeler la finalité du conflit, cette scène est emblématique de l’esprit de revanche qui prévalait à cette époque.
* à noter l’inscription sur le socle: « Paray le Monial à ses enfants dont le glorieux sacrifice sauva nos foyers de l’invasion barbare et restaura l’unité de la Patrie 1914-1918 » figurant à l’avant du monument et qui fut martelée par l’occupant allemand lors de la Seconde Guerre Mondiale. Elle a depuis été restaurée et remplacée par :« Paray le Monial à ses enfants morts pour la France »
Le renforcement du sentiment patriotique
Faisant le lien entre la cruauté des combats de la fin du Second Empire et le sacrifice des « poilus » de la « Grande Guerre », l’image de l’Alsace et de la Lorraine rassemblées dans un mouvement d’hommage, se voulait fédératrice.
Ce qui n’allait pas totalement de soi, l’allant guerrier des débuts de la guerre ayant laissé la place à un profond sentiment de désolation au regard de l’hémorragie en hommes qui en était résulté.
Un monument pour tous les conflits
Détail émouvant, le monument de Paray le Monial ne se contente pas de regrouper le souvenir des morts de 1870-71 et ceux de 14-18.
Les morts en Indochine et Algérie sont également mentionnés.
Un thème bien peu exploité
Les exemples en sont même plutôt rares. Ce qui rend le monument de Paray le Monial d’autant plus intéressant par sa conception et le développement qui lui a été donné.
Une mémoire qui s’efface
Les passants » passent », les enfants jouent auprès du monument. Combien en comprennent encore la symbolique ? Qui se rappelle encore les morts de 1870 et l’enchaînement des conflits dont cette guerre sanglante autant qu’inutile a été le déclencheur ? Prise entre deux feux, l’Alsace servit, bien malgré elle, de pomme de discorde et d’enjeu revanchard entre ses deux voisins.
Mais qui sait encore reconnaître, derrière l’aspect anecdotique de la scène, la portée profonde de ce qui est ici représenté ?
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Références
– Mourir pour la patrie ? Les monuments aux morts d’Alsace-Moselle
Bernadette Schnitzler – Jean-Noël Grandhomme – Olivier Haegel – Lyon. Lieux Dits. 2016
– Au revoir là-haut – Pierre Lemaitre – Editions Albin Michel 2013. (Disponible aussi dans le Livre de Poche.)
Liens
https://monumentsmorts.univ-lille.fr/monument/15044/paray-le-monial-place/
https://www.wikiwand.com/fr/Le_Souvenir
https://freresmartel.blogspot.com/p/monuments-aux-morts.html
http://87dit.canalblog.com/archives/2020/05/22/38288085.html
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