Deux visions de la mode
Ces tenues très particulières étaient en effet en décalage complet avec les modes en vigueur à Versailles. Dans les milieux parisiens proches de la Cour, la mode suivait un processus en constante mutation, modifiant constamment les styles vestimentaires. Au rebours des pays de tradition germanique où ces changements suivaient des cycles bien plus lents, favorisant le maintien de certaines modes plus anciennes. D’où la présence dans ces territoires de particularismes inconnus des français du 17è siècle.
Un portrait célèbre
L’exemple le plus célèbre de ces costumes de la bourgeoisie alsacienne est le portait peint par Nicolas de Largillierre en 1703. Bien connu du grand public, il est devenu une icône régionale, au même titre que l’alsacienne à grand nœud.
Les spécialistes ne s’accordent pas sur l’identité du modèle, vraie bourgeoise de Strasbourg ou Parisienne portant un costume rapporté dans la capitale. A moins qu’il ne s’agisse de la propre sœur du peintre. Mais il est certain que le grand chapeau qui accroche le regard a été pour beaucoup dans cette célébrité.
Un costume au musée
Le Musée Historique de Strasbourg conserve un de ces fameux costumes « allemands ». Il permet d’observer plus clairement les détails de leurs conceptions. Et il est intéressant de relever quelques différences par rapport à ses représentations iconographiques.
La plus notable porte sur la forme des manches. Sur la gravure (comme sur le portrait de Largillierre), les manches sont larges, bordées de grosses coques de rubans. Elles sont plus courtes, bien au-dessus des coudes, et dégagent les bras de la chemise. Le corsage n’est pas lacé mais remplacé par un plastron large fixé aux bords de la veste.
Le costume conservé à Strasbourg présente une silhouette plus légère, ce qui permet de penser qu’il est un peu plus tardif. (deux ou trois décennies ?)
Pour le reste, les deux costumes ont les mêmes caractéristiques : forme en pointe des basques de la veste, style du tablier et bien sûr, chapeau bicorne en forme de bateau.
La comparaison entre l’iconographie et la pièce textile indique que ces costumes ont continué d’être portés après l’annexion française de 1681. Une continuité qui leur a permit de subir l’influence des modes françaises tout en restant un symbole important de la culture germanique locale.
Un costume emblématique
L’effet est tel que l’on renouvelle l’opération en 1770 pour le passage de la future Dauphine Marie-Antoinette, partie de Vienne pour aller épouser à Versailles le futur roi de France. Mme D’Oberkirch, aristocrate alsacienne, nous décrit la scène dans ses mémoires (Chap III. P 30-31) :
« vingt-quatre jeunes filles de quinze à vingt ans, des familles les plus distinguées de la bourgeoisie, habillées d’étoffes superbes et suivant les différentes modes allemandes de Strasbourg, se présentèrent pour répandre des fleurs sur les pas de la princesse… »
Cette fierté particulière, se rapportant aux costumes « à l’allemande » d’ancienne facture, n’était semble-t-il pas réservée à Strasbourg. Lors de son voyage de Vienne à Versailles, la princesse eut droit à un spectacle comparable, comme par exemple à Augsbourg où une présentation identique fut organisée.
Références
- Lettres de la princesse Palatine – Mercure de France – Collection Le temps retrouvé 1985
- Mémoires de la baronne d’Oberkirch – Mercure de France – Collection Le temps retrouvé 2000
Crédit Photo
Musée Historique de la Ville de Strasbourg
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