En Alsace, dans les territoires préservés par l’industrialisation et où le costume traditionnel va se développer le plus longuement, la tenue masculine est restée longtemps fidèle à une typologie vestimentaire bien particulière, très imprégnée par les modes de la fin du 18è siècle.
La redingote alsacienne se porte ouverte sur le gilet, tout comme l’habit à la française, une longue série de boutons venant ici aussi souligner la ligne arrondie de son ouverture.
C’est dans la forme des basques, plus longues et venant battant les mollets, que se devine l’influence de la redingote à l’anglaise, apparue en France dans les dernières décennies précédant la Révolution.
La redingote en est l’exemple le plus notable, son apparence tenant davantage de l’habit à la française de l’Ancien Régime que de la Redingote proprement dite.
Se remarquent en particulier la presque absence de col, une ligne d’épaules peu marquée, des revers à gros boutons au niveau des poignets ainsi que sur la grande poche horizontale de coté.
Un emprunt à l’Angleterre
A l’origine, la redingote est un vêtement de dessus, d’allure ample, utilisée par les cavaliers anglais pour se protéger de la pluie et des salissures.
Un ″riding-coat″ (littéralement manteau d’équitation) qui s’est francisée sous le vocable de ″redingote″ en passant le Chanel.
Un changement de style …
En arrivant en France, la redingote anglaise influence fortement l’allure des vêtements masculins, en particulier celle de la veste.
Celle-ci se simplifie et perd son aspect ″juponnant″ sur l’arrière. Les basques se rallongent, prenant un aspect plus droit.
et un changement d’époque
Dans les débuts du 19è siècle, à la suite des bouleversements politiques de la Révolution puis de l’Empire, les styles vestimentaires se trouvent profondément transformés.
Les tenues d’hommes abandonnent les brocards, satins et broderies, à la mode dans les dernières décennies, au profit d’étoffes plus sobres. La culotte à la française est également abandonnée pour le port du pantalon droit.
La veste masculine adopte une forme intermédiaire, entre habit à la française et redingote, conservant de cette dernière le col avec revers plus ou moins larges.
Il en résulte ce qui va devenir le manteau, vêtement ample, plus ou moins cintré à la taille, toujours accompagné du pantalon long, la culotte à la française disparaissant du paysage citadin pour ne plus être portée que dans les campagnes.
Une évolution qui précise le basculement du costume masculin dans l’ère moderne et industrielle mais aussi la bifurcation qui s’opère un peu partout en Europe entre mode ″officielle″ et tenues régionales.
Un costume très ″vielle France″
Redingote et culotte à la française vont de pair pour dessiner une silhouette qui va traverser le siècle sans grand changement, le pantalon n’étant adopté que très tardivement.
Une iconographie abondante fait état de cette prédilection pour des formes vestimentaires qui apparaissent comme de véritables archaïsmes, en comparaison de ce qui se porte à la même époque dans les milieux urbains.
Une fidélité qui n’est pas limitée au costume alsacien. Elle se retrouve dans toute l’Europe et peut se lire comme une résistance du monde rural face à une industrialisation qui bouleverse les équilibres sociaux.
Jamais sans mon tricorne
L’image de cette redingote est complétée par l’indispensable ″Nawelschpalter″ (le fendeur de brouillard) auquel les alsaciens se montrent également très attachés.
Hérité lui aussi de la mode du 18è siècle, ce chapeau à trois pointes (d’où son nom !) varie de taille et d’allure en fonction de l’époque, du village ou simplement de la richesse personnelle de son propriétaire.
Associé à la longue redingote, ce couvre chef bien particulier fera longtemps partie du costume du dimanche des paysans alsaciens, leur dessinant une silhouette empreinte d’une discrète élégance.
Les artistes alsaciens s’en feront volontiers les témoins, leurs dessins ou photographies nous livrant la vision d’un monde en pleine mutation.
En se modernisant et en adoptant la veste courte et le chapeau plat à bord rond, le costume traditionnel masculin, a perdu cette allure toute particulière que la longue redingote, accompagnée de son tricorne, donnait aux messieurs.
à suivre …
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Documentation
- Costumes et coutumes d’Alsace – A Laugel et Ch. Spindler – Éditions Alsatia 1975
- L’Alsace traditionaliste – Paul Kauffmann – Librairie union, 1931 (réedité par Les Editions Braun, 1987.)
- Couleurs & Lumières d’Alsace – Libre regard sur les artistes peintres alsaciens – Pascal Jung et Jean-Claude Wey – Éditions Les Petites Vagues, 2009.
- Christian Kempf et Michel Loetscher – Une Alsace 1900, photos de Charles Spindler – Éditions Place Stanislas – 2011
Liens
https://www.linternaute.fr/expression/langue-francaise/17131/habit-a-la-francaise/
https://www.diktats.com/collections/illustrations-de-mode-18e-siecle?page=3
https://fr.wikipedia.org/wiki/Redingote
https://fr.wikipedia.org/wiki/Manteau_(vêtement)
Annick Meyer
17 novembre 2024toujours très intéressant et richement documenté… merci et bravo !
Jocelyne Rueher
19 novembre 2024J’ai gardé le souvenir d’une belle redingote grise et de l’homme élégant qui la portait …