Un halo de dentelles
D’allure assez spectaculaire, cette belle coiffe apparaît comme une véritable exception au milieu de celles que l’on a l’habitude de voir en Alsace.
Avec le grand soleil de dentelle qui attire irrésistiblement l’œil, cette coiffe est l’une des dernières traces d’une mode qui s’est épanouie dans toute l’Alsace au cours du 18è siècle.
(Pour plus de détail sur les bonnets dorés en Alsace, voir l’article ici.)
Le beau bonnet doré autour duquel se déploie le large ruché de dentelle témoigne des origines anciennes d’une coiffe qui a longtemps fait la fierté des femmes de la région d’Obernai et des villages d’obédience catholique des alentours.
Un beau bonnet doré
Scintillant de toutes ses paillettes et broderies, ce bonnet s’inscrit dans la tradition des ″coiffes dorées″, surnommées Ditschi Kapp selon l’expression dialectale rapportée par Charles Spindler dans son ouvrage sur les Costumes d’Alsace.
Ce surnom est un rappel de l’origine germanique de ce type de coiffes. Au cours du 18è siècle, elles se répandirent dans toute l’Europe Centrale, dessinant sous diverses formes une véritable route dorée du Rhin au Danube, leur influence se faisant sentir jusqu’en Russie avec la mode des kokoshnick.
Par endroits, ces bonnets pouvaient prendre l’apparence de véritables ″casques d’or″, certains faisant l’objet d’une ornementation particulièrement luxueuse, pour ne pas dire chargée.
Une évolution particulière
Dans le cas du ″soleil″, l’évolution a suivi un chemin différent. Le lien sur la nuque est resté à sa place (dissimulé par un nœud de ruban à usage strictement décoratif) et c’est la dentelle du sous-bonnet qui a pris de l’extension.
Sous le bonnet doré venait en effet se placer un sous-bonnet de toile blanche, garni sur le bord d’une mince dentelle .
C’est cette dentelle courte qui est allée s’élargissant pour donner naissance au nimbe de dentelle qui accompagne la coiffe actuelle.
Une coiffe de riche citadine
Cette mode se retrouvait également à Colmar, en complément des curieux bonnets dorés de forme aplatie portés par les femmes de la ville. (La forme aplatie de ces bonnets était sans doute influencée par celle des riches schneppers des grandes bourgeoises et aristocrates de Strasbourg.)
De la ville à la campagne
Appelés Sunnerkapp ou Pfauerad , ils étaient fièrement portés les dimanches et jours de grandes fêtes, remplacés les jours ordinaires par de petits bonnets matelassés.
Charles Spindler a consacré plusieurs de ses dessins à ces bonnets auréolés de larges dentelles. L’une de ses lithographies retient l’attention en attestant notamment de la présence d’une telle coiffe à Grendelbruch (près d’Obernai) à l’occasion d’une noce en 1830.
Ce qui permet, à l’époque, au photographe Adam Varadyde nous livrer la vision étonnante de femmes habillées comme des princesses, évoluant dans le décor rustique de simples cours de ferme.
Le déclin
Au cours du 19è siècle, son aire d’extension s’est rétrécie. Progressivement abandonné par les riches bourgeoises citadines, le grand soleil de dentelle n’est plus porté que dans quelques villages proches d’Obernai, devenant au final l’apanage des seules femmes de Meistratzheim,
Fragile et encombrant, d’allure démodée pour certaines, il y est même souvent remplacé par un petit bonnet à bride, venant se fermer sur le coté, à la manière de ceux portés plus au nord, à Bischoffsheim ou Molsheim.
Ce petit bonnet est agrémenté d’un large flot de ruban, noué de coté en un gros noeud et retombant presque jusqu’aux genoux. Ces rubans de soie, à motifs écossais ou fleuris, sont identiques à ceux utilisés dans le Kochersberg pour les coiffes des jeunes filles catholiques.
A l’autre extrémité de l’hexagone
Bien loin de l’Alsace, par un jeu étonnant de miroir, une autre coiffe vient faire écho à la coiffe des femmes de Meistratzheim. C’est celle de la région de Boulogne sur Mer, dans le Pas de Calais.
Avec son large soleil de dentelle (de Calais !), cette coiffe apparaît presque semblable à celle portée en Alsace.
Un bref coup d’œil sur sa partie arrière suffit pourtant à marquer la différence entre les deux.
Pour Boulogne, le fond de coiffe est constitué exclusivement d’une fine toile brodée et ajourée. Contrairement à celle de Meistratzheim où l’auréole de dentelle s’appuie sur un bonnet rigide, rebrodé d’or.
Différence qui s’explique par une évolution d’ordre culturel : au 18è siècle, en France, ce sont les coiffes ″de lingerie″, en toile fine et dentelles qui ont pris le pas sur les autres modes féminines existantes, autant citadines que villageoises. Contrairement à une grande partie de l’Europe qui a vu le développement des goldhaube germaniques, čepeč tchèques et autres kokoshnik russes, tous élaborés sur le modèle de bonnets rigides, de formes et de tailles diverses, toujours richement rebrodés d’or.
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Crédit photo
Photo en-tête : Musée de Saverne – Palais des Rohan – Collection Marguerite Doerflinger
Documentation
- Marguerite DOERFLINGER – Le Livre d’Heures des Coiffes d’Alsace.- Editions Oberlin – Strasbourg – 1981
- Charles Spindler et Anselme Laugel – Costumes et coutumes d’Alsace – Version 2008 avec préface de Barbara Gatineau – Editions Place Stanislas
Liens
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9capole_(Saint-Empire)
https://www.meistratzheim.fr/Histoire-patrimoine/Galerie-photos/Costumes-alsaciens.html
http://jean-pierre-d-aigremont.over-blog.com/pages/Meistratzheim-962333.html
https://herve-tavernier.e-monsite.com/pages/les-coiffes-le-soleil-et-le-toquet.html
https://saintsyriac.e-monsite.com/pages/le-soleil-la-coiffe-traditionnelle-calaisienne.html
Wagner
25 janvier 2023Merci pour ce travail sur cette coiffe en particulier. Ma grand-mère, née en 1900 ,la porte sur une photo . Famille de Krautergersheim . Adolescente je lui ai demandé ce qu’était cette coiffe ? Elle ne m’avait répondu que « c’est une plus ancienne coiffe » . Je parlais de cette coiffe particulière avec une personne -sachant tout sur le sujet-il y a environ 12 ans . Je dis qu’elle était portée à Krautergersheim. Mais on m’oppose que non ! Pas possible ! C’est celle de Meistratzheim! ( Ma grand-mère ce serait …déguisée ?! Lol ) . Je laisse tomber . Pourtant M.Doerflinguer -elle même – le note dans un de ses bouquins . Ah! Marguerite ! Sur la photo ma grand- mère avait une vingtaine d’années.
Jocelyne Rueher
24 février 2023Je puis vous confirmer que cette coiffe « soleil » s’est bien portée à Krautergersheim. L’une d’elle est conservée sous cette désignation au musée alsacien de Strasbourg(voir photo dans l’article). Elle était également portée à Obernai jusqu’à la fin du 19è siècle, pour ensuite se retirer dans quelques villages autour. Dont Meistratzheim qui l’a gardée le plus longtemps. La photo de votre grand-mère m’intéresse. Si vous acceptez de me la montrer. Merci à vous.
Angélique
2 septembre 2022Bonjour,
Je lis toujours vos articles avec beaucoup d’intérêt.
Merci pour tout ce partage de connaissances…
Bien cordialement
Angélique LEVY