Un surprenant accessoire
Les débuts du 20ème siècle ont vu circuler bon nombre de photos, mettant en scène des alsaciennes en costume traditionnel.
Les personnages féminins prenaient la pose en studio, parfois devant des décors peints reprenant les motifs des maisons à colombages.
Pour parfaire l’aspect paysan du sujet, divers accessoires étaient ajoutés tels que paniers et … parapluie, ce dernier accessoire venant sans doute accentuer aux yeux du public l’aspect rural du sujet.
Un ″Barabli″, qu’est-ce c’est ?
Pour les alsaciens, le mot ″barabli″ possède une saveur toute particulière.
Il expliquait ce choix par une anecdote : l’astuce utilisée lors de la Première Guerre mondiale par le chanoine Émile Wetterlé pour faire la distinction entre les prisonniers alsaciens ou allemands.
Leur montrant un parapluie, il leur demandait ″Wass esch dess ? ″ (Qu’est-ce que c’est ?). Ce à quoi les Allemands répondaient ″ein Regenschirm″. Au contraire des Alsaciens qui désignaient l’objet comme étant ″a Barabli″. (A prononcer avec l’accent, bien sûr !)
Pour Germain Muller, ce mot contenait tout le paradoxe de l’identité alsacienne.
L’ombrelle avant le parapluie
Inventé à Paris dès 1705 par un Français (Cocorico !), l’usage du parapluie resta longtemps limité à un public très citadin.
Pour les femmes du peuple, il était nettement plus simple de remonter sa jupe sur sa tête en cas d’intempéries que de s’embarrasser d’un tel instrument !
En Alsace, comme ailleurs, c’est davantage du soleil que de la pluie que nos aïeux cherchaient à se protéger.
C’est pourquoi les élégantes l’utilisaient davantage comme une ombrelle, le but étant plus de se valoriser avec un accessoire de mode que de se protéger réellement des ardeurs du soleil. Il était d’ailleurs très chic de l’employer comme une canne pour accompagner la marche.
Messieurs les Anglais
Très prisé des Parisiens, toujours friands de nouveautés et d’articles de mode, le parapluie mit curieusement un certain temps à conquérir l’Angleterre, pays pourtant largement soumis aux intempéries.
Jusqu’au milieu du 18è siècle, les habitants de la ″Perfide Albion″ préférèrent snober cette invention par trop française.
En 1756, le philanthrope Jonas Hanway, de retour d’un voyage en France, fut le premier à oser déployer un parapluie dans les rues de Londres, devenant la risée des passants et la bête noire des cochers et loueurs de voiture.
Le duc de Wellington voyait d’un mauvais œil l’usage de parapluies parmi ses officiers, décrétant que ces objets étaient ″non seulement ridicules mais portant atteinte à l’esprit militaire″.
Un symbole bourgeois
Au 19è siècle, le parapluie se banalise et gagne en technicité.
Le roi Louis-Philippe (1773-1850) ne s’en séparait jamais, n’hésitant pas à se montrer déambulant à pied dans Paris, parapluie à la main.
Au point d’être surnommé ″le Roi-Parapluie″ par ses détracteurs !
Un engouement qui va se traduire par une déclinaison de modèles très divers. Ainsi, en 1801, apparaît le ″rifflard″, du nom d’un personnage de théâtre ridicule arrivant sur scène avec un immense parapluie sous le bras.
Pour les classes bourgeoises , le parapluie se décline dans des matériaux luxueux, afin de mieux se démarquer du populaire.
L’alsacienne au parapluie
Une iconographie abondante démontre le succès du parapluie auprès des alsaciennes de l’époque. Lesquelles avaient sans doute autant le souci de protéger leur tenue que de se doter d’un accessoire qui resta longtemps assez coûteux.
Ouvrir la galerie d'imagesDébordant du domaine ethnographique, l’alsacienne au parapluie devint un sujet privilégié pour les illustrateurs alsaciens du début du 20è siècle, tels que Paul Kauffmann ou Hansi.
Ceux-ci l’utilisèrent comme un attribut pour compléter la mise en scène de leurs personnages et accentuer l’aspect ″authentique″ de ce type d’imagerie.
Un p’tit coin d’Barabli…
Depuis quelques années, plusieurs communes ont trouvé une utilisation toute nouvelle au parapluie.
Un réemploi qui vient moderniser l’image un peu vieillotte du ″barabli″ de nos grands-mères.
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Documentation
- Paul Kauffmann – l’Alsace traditionnaliste – 1931
- Charles Spindler – Ceux d’Alsace – réédition de 2010 – Barbara Gatineau avec préface de François Igersheim – Editions Place Stanislas
Liens
https://fr.wikipedia.org/wiki/Germain_Muller
https://www.aprogemere.fr/documents/dossiers/Nantes_Parapluies.pdf
https://www.numistral.fr/fr/tresors/paul-kauffmann-1849-1940-un-illustrateur-amoureux-de-lalsace
Annick Meyer
3 octobre 2024Encore un article intéressant ! Comme quoi même le parapluie est sujet à agrémenter ce blog. Bravo!
Je n’y aurai pas pensé !!!