Un vêtement disparu
Que l’on soit riche ou pauvre, c’était le vêtement de base sur lequel venaient s’ajouter les autres éléments de la tenue afin de constituer le costume.
Au cours du 20è siècle, une toute nouvelle pièce vestimentaire va pourtant venir prendre sa place: le tee-shirt.
Ce sont les acteurs hollywoodiens qui ont popularisé ce sous-vêtement utilisé au départ par l’armée américaine et plus particulièrement la Navy. .
L’image virile autant que glamour dispensée par des stars tels Clark Gable à James Dean (sans oublier Marlon Brando) permet au tee-shirt de devenir en quelques décennies la tenue unisexe et universelle que l’on connait, envoyant la chemise au placard.
Trop large, trop longue, celle-ci n’a pas su s’adapter aux profonds changements vestimentaires du 20è siècle (raccourcissement des jupes féminines, abandon du corset, tenues plus fonctionnelles et plus proches du corps.)
Une histoire très ancienne
Avec leur forme en T toute simple, le t-shirt comme la chemise traditionnelle sont les héritiers directs de la ″tunica″ romaine, portée autant par les hommes sous leur toge que par les femmes sous la stola .
La forme de la tunica s’est naturellement transmise à la chemise. Laquelle a traversé sous cet aspect toute l’histoire du costume occidental , sans que cette coupe initiale soit beaucoup modifiée.
Un vêtement de base
Reprenant le rôle de la tunica, elle sert de base vestimentaire à l’ensemble des catégories sociales, du plus riche au plus pauvre, la qualité de son matériau faisant seule la différence.
C’est sur elle que viennent s’agréger les autres parties du costume, le nombre et la richesse de ces ″strates″ vestimentaires servant d’indicateurs sociaux.
Le vêtement de l’intime
A travers l’histoire de la chemise, c’est aussi la relation confuse que nos ancêtres entretenaient avec la nudité qui se dessine, entre le caractère mouvant du ″dessous″ et du ″dessus″.
Car la chemise n’est pas faite pour être montrée.
En contact immédiat avec le corps, portée sans interruption de jour comme de nuit, c’est le vêtement de l’intime, celui qui n’apparaît que dans la sphère privée.
C’est pourquoi se présenter ″en chemise″ a été considéré pendant longtemps comme un comportement indécent, presque aussi choquant que celui de se montrer entièrement nu.
Et de l’indécence
L’épisode des bourgeois de Calais, au début de la Guerre de Cent Ans, illustre bien cet aspect particulier de la chemise.
Ils se présentent à lui en chemise, pieds nus et la corde au cou, dans une attitude de réédition très humiliante, restée dans les mémoires comme l’incarnation même de l’abaissement et de la dégradation sociale.
Bien que d’apparence banale à nos yeux, ce portrait d’Adrienne Lecouvreur se veut pourtant d’une audace folle pour son époque.
Il précise le caractère marginal du modèle, comédienne très célèbre dont le mode de vie suscitait la réprobation des autorités religieuses.
Une apparence sobre
En Alsace, la chemise qui accompagne le costume traditionnel est d’une grande simplicité de forme.
Elle est longue, toute droite, avec une ouverture fendue, plus ou moins profondément, sur le devant.
Les représentations picturales de cette chemise sont assez rares puisqu’elle est généralement cachée par la collerette ou par un châle drapé sur le haut de la poitrine.
Une confection à l’économie
Étant en grande partie cachée sous les vêtements, elle est souvent travaillée à l’économie. Il arrive ainsi fréquemment que le haut et le bas ne soient pas taillés dans la même qualité de textile.
Ce qui se traduit par l’utilisation d’une toile plus fine, coton ou lin fin, pour la partie supérieure et chanvre ou lin plus grossier pour la partie basse.
Ce tissu plus fin est parfois même réservé à la confection des seules manches, unique partie apparente de la chemise.
Pas de gaspillage
La recherche d’économie produisait parfois des effets étonnants.
Comme par exemple ici avec cette pièce de lin, d’un tissu plus grossier, insérée dans la partie haute d’une manche, ravaudage qui contraste avec la belle broderie ornant la couture d’épaule – Musée Historique de Haguenau.
Comme mentionné plus haut, les manches sont la seule partie visible de la chemise. Ces manches font souvent l’objet d’une ornementation soignée faite de plis et de jours en lignes superposées sur toute la partie basse de l’emmanchure.
A suivre …
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Documentation
- Jules QUICHERAT – Histoire du Costume en France depuis les temps les plus reculés jusqu à la fin du XVIIIème siècle – Librairie Hachette – Paris. 1877
- André Blum – Histoire du costume : les modes au XVIIe et au XVIIIe siècle – Librairie Hachette – Paris. 1928
- Folklore et tradition en Alsace – Editions SAEP – Colmar-Ingersheim 1973
- A Laugel et Ch.Spindler – Costumes et coutumes d’Alsace – Editions Alsatia 1975
- Daniel Roche – La culture des apparences – une histoire du vêtement (XVIIe et XVIIIe siècle) – Editions Fayard, coll. Point Histoire, Paris. 1989
- Ceux d’Alsace – Charles Spindler – Editions Place Stanislas 2010
- Mireille Tembouret – En bras de chemise Collection, Grammaire du vêtement occidental – Editions Esmod 2014
Liens
https://mistertee.fr/blog/lhistoire-du-t-shirt-de-sous-vetement-icone-de-mode
https://www.bretagne.com/fr/la-bretagne/sa-culture/ses-symboles/histoire-de-la-mariniere
https://www.patrimoine-histoire.fr/P_Centre/ArgentonCreuse/Argenton-Musee-de-la-Chemiserie.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Bourgeois_de_Calais
https://www.comedie-francaise.fr/fr/artiste/adrienne-lecouvreur#
Annick Meyer
11 janvier 2024eh ben , j’attends impatiemment la suite!
Toujours intéressants, tes articles… j’aime la subtilité de tes recherches et les différents rapprochements à travers les siècles.
Bonne suite et à bientôt
Annick