Scandale à L’Assemblée Nationale
Lorsqu’en 1894, Christophe Thivrier, député fraîchement élu de l’Allier, se présente à l’Assemblée Nationale, vêtu de la blouse bleue des ouvriers de son département, il suscite un profond scandale dans l’hémicycle.
Apparaitre ainsi en tenue de travail, au milieu des autres députés en costume, est vécu comme une insulte par ses collègues, l’aspect débraillée de la blouse étant à leur yeux incompatible avec le respect à conserver face à l’institution.
La dimension politique du geste est bien sûre évidente car cette blouse n’est pas seulement une tenue de travail. Elle est le symbole d’une partie souvent méprisée de la population, celle des manœuvres et des ouvriers dont la part grandissante vient modifier profondément les équilibres de la société.
Le premier bleu de travail
A l’origine, la blouse est la tenue des paysans du centre de la France. Elle n’y a aucune connotation péjorative puisqu’on la porte aussi les dimanches et jours de fête.
Au 19è siècle, elle arrive à Paris avec les très nombreux émigrants auvergnats qui ″montent″ à la capitale à la recherche d’une vie meilleure.
Spécialisés dans le commerce du bois, du charbon (livré à domicile), des boissons (vins, spiritueux, limonades), ils sillonnent les rues de la capitale avec leurs charrettes à bras, créant l’imagerie familière des manœuvres et autres portefaix habillés de ces larges blouses.
La forme protectrice de cette biaude (ou blaude) lui vaut d’être adoptée par d’autres catégories populaires et ouvrières.
Très souvent teinte en bleu, elle peut être considérée comme le précurseur du fameux ″bleu de travail″ des ouvriers. Elle devient à travers eux un important identifiant social.
En Alsace, un costume également connoté
Dans la région aussi, la notion de costume ouvrier lui est attachée. A la ville comme à la campagne, l’alsacien lui préfère un style vestimentaire hérité de l’Ancien Régime, à savoir la veste ouverte, portée sur un gilet plus ou moins court.
Prédilection qui illustre la scission qui s’installe dans la société de la seconde moitié du 19è siècle, entre la paysannerie jusque là majoritaire et une classe ouvrière de plus en plus importante. La blouse devient la marque de ceux contraints de louer leurs bras, de s’employer comme ouvriers dans les usines et manufactures qui essaiment un peu partout dans la région.
Ce qui accroît l’aura plutôt péjorative qui entoure cette partie de la population.
Dans les vignes
La blouse trouve aussi sa place dans le milieu de la viticulture où sa forme ample, offrant une large protection, répond aux besoins d’une activité soumise aux intempéries.
Le costume des jeunes garçons
Ample et longue, elle accompagne facilement leur croissance et permet de faire la transition entre la tenue du petit enfant et celle du jeune adulte.
Mais elle n’est pas portée par tous les enfants. Entre eux aussi, les différences sociales se font jour, la blouse servant de marqueur social entre les plus riches et les moins favorisés.
Choix d’autant plus marquant que la confection de ce type de tenue s’avérait aussi onéreuse pour un enfant que pour un homme adulte.
Ce clivage se remarque particulièrement lors des évènements festifs (messti) qui émaillent la vie communautaire, lesquelles sont autant d’occasions de vêtir petits et grands avec des habits de fête.
Entre tenue traditionnelle et blouse à connotation plus populaire, une frontière discrète se trace ainsi très tôt entre les jeunes membres de la société villageoise.
Lesquels n’échappent pas à la hiérarchisation sociale dessinée par le costume.
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Documentation
Liens
https://www.cnrtl.fr/definition/biaude
https://fr.wikipedia.org/wiki/1894_en_France
https://drf.4h-conseil.fr/pages/D1B0065.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_Thivrier
https://books.openedition.org/pur/99659
https://www.cparama.com/forum/les-auvergnats-t4193.html
https://www.getty.edu/art/collection/object/1041HH
SCHEER
22 octobre 2023Je suis toujours ravie de lire vos nouveaux articles sur les costumes alsaciens. Je voudrais savoir si vous allez aborder le sujet concernant une coiffe masculine qui retient mon attention. Il s’agit du morischelkàpp, un bonnet de laine noire porté par les garçons, coiffe originaire de Seebach. Je voudrais en confectionner un, mais pas moyen de trouver le point de tricot utilisé, ni le patron…