Une pièce essentielle de la parure féminine
Surtout lorsque cette coiffe prend la forme d’un schnepper, coiffe à trois pointes, richement brodée d’or et d’argent, symbole d’appartenance à l’élite.
Raison pour laquelle les aristocrates et grandes bourgeoises ne peuvent y renoncer sans déchoir.
Les accessoires de la pudeur
Difficile aussi de s’habituer aux décolletés des robes à la française.
Les dames alsaciennes, culturellement habituées à une certaine retenue vestimentaire, usent donc de fichus de linon fin, brodés et bordés de dentelle qu’elles croisent plus ou moins largement sur la poitrine pour donner un aspect plus respectable à leur toilette.
Un style »couleur locale »
Ces fichus sont complétés par des « Palatines » de dentelle et des tours de cou plus ou moins larges, noués sur la nuque.
S’y ajoutent des colliers d’ambre ou de corail, à plusieurs tours, accompagnés de grandes croix de pierreries.
La tradition populaire faisait grand cas de ces colliers, souvent offerts au moment des noces ou aux jeunes mères. Le corail était supposé encourager la fécondité, l’ambre étant quant à lui recommandé contre de nombreuses affections, en particulier les douleurs dentaires. D’où le grand succès de ces parures, quel que soit le milieu social.
Une mode très prude
Autre élément particulier, le port des longs gants ou mitaines, utilisés pour sortir en ville ou se rendre aux offices religieux.
Ils y sont plutôt le lot des classes bourgeoises, plus conservatrices dans leur manière de se vêtir et apportent, là aussi, un correctif aux robes françaises dont les manches arrêtées au pli du coude dénudent largement les avant-bras.
Les longues mitaines permettaient de se conformer aux exigences de la mode, tout en respectant les principes de « modestie » exigées par les autorités morales.
Les ex-voto encore présents dans certaines églises de la région témoignent d’un usage qui s’est prolongé pendant plusieurs décennies après la fin de l’Ancien Régime.
Le tablier, accessoire primordial
Les alsaciennes ont également du mal à se séparer de leur grand tablier. D’un métrage souvent important, réuni en plis serrés, il ajoute une allure bien particulière à la tenue.
Inscrit dans les habitudes vestimentaires locales, il y est considéré comme un synonyme de probité et de vertus ménagères.
S’en séparer apparaît presque comme une inconvenance vis-à-vis des obligations liées au statut féminin de l’époque. C’est pourquoi il est présent dans toutes les couches sociales, les grandes bourgeoises y étant autant attachées que les femmes de condition plus modeste.
Un mélange trop « province »
En mélangeant robes à la Française avec les accessoires propres à la mode locale, les alsaciennes créent un mélange des styles que ne manquent pas de remarquer les visiteurs.
A ce sujet, le savant Antoine Camus, de passage à Strasbourg à la fin du 18ème siècle, relève que si les femmes des classes supérieures sont habillées et coiffées selon les règles de la mode française et suivent les prescriptions du Journal de Paris, elles ne sont pas, selon lui, « mises à la parisienne« .
Petite remarque teintée d’un certain dédain et qui montre la vision toujours un peu méprisante que la capitale entretenait vis-à-vis de la province.
Un nœud de ruban déjà !
L’usage du gros nœud de ruban persista malgré les changements de mode et se transmit tout naturellement aux tenues populaires.
Il apparaît ainsi sur deux portraits féminins, illustrant le passage du costume bourgeois, mâtiné de mode française de la fin de l’Ancien régime, à celui de paysanne aisée des débuts du 19è.
Piqué dans le vorstecker, il accompagne ici les débuts du grand nœud frontal, en une progression intéressante des modes et de juxtaposition des styles.
La transmission
Le costume « alsacien » couronné d’un grand nœud, tel qu’il se présente aujourd’hui et qui est le plus connu du grand public, a perdu ces particularités à force de « modernisation ».
Ainsi, dans les villages tout au nord de la région tels que Oberseebach, Hunsbach, Aschbach mais aussi Schleithal ou Neéwiller, se retrouvent encore des éléments décoratifs empruntés à la mode française tels que tours de cou ou nœud de ruban piqués sur le devant de la poitrine pour retenir les plis du fichu.
Ces détails ornementaux témoignent de la manière dont le costume rural s’est approprié des éléments de costume issus de l’élite bourgeoise, conservant à travers eux la trace des influences culturelles diverses qui se sont rencontrées en Alsace au 18è siècle.
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Références
- A.-G. Camus, Voyage dans les départements nouvellement réunis et dans les départements du Bas-Rhin, du Nord, etc., Paris, Baudoin, an XI-1803, t. I, p. 19.
- Léone Prigent – Les coiffes de l’Alsacienne – Signes identitaires provinciaux aux XVIIe et XVIIIe siècles – Presses universitaires du Septentrion, 2008
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