Une différence de classe
Les différences entre paysans, bourgeois et aristocrates s’expriment non par un changement dans la forme générale du costume mais par la qualité des tissus employés. Si la soie, le brocart et le velours sont utilisés par les classes supérieures, c’est la laine et le lin qui dominent dans la paysannerie. Plus adaptées aux besoins de ces milieux populaires, ces étoffes rustiques permettent aux vêtements d’y faire un plus long usage. Une durée qui encourage le maintien des archaïsmes liés aux modes anciennes, et entretient les disparités entre les classes sociales.
La mode, une question d’accessoires
Certains ornements ont une grande importance. Les galons, rubans et boutons coûtent chers. Par leur richesse, leur nombre, ils sont déterminants pour juger de la valeur d’un habit et du niveau social de celui qui le porte. La fraîcheur du linge, la qualité des manchettes et jabots de dentelle comptent également beaucoup dans l’appréciation des individus.
Un bourgeois de Strasbourg
Sur un tableau de Barthélémy Hopfer, conservé au Musée Historique de Strasbourg, est représentée une scène intitulée « Retour de chasse ». Debout dans cet intérieur visiblement aisé, un homme porte un costume bourgeois, d’apparence simple. Le costume se veut décontracté, en accord avec le sujet représenté (un chasseur). Ce que souligne le justaucorps laissé ouvert sur le pourpoint et les chausses ainsi que l’absence de manchettes de dentelle aux poignets. Malgré l’absence de galons sur les coutures de l’habit, la tenue est malgré tout agrémentée de fioritures selon les gouts de l’aristocratie de l’époque : jabot de dentelle, boucles de rubans au cou et aux épaules. Les ruchés de rubans, galons dorés et autres passementeries, ajoutés un peu partout sur le costume étaient surnommés « petite oie ». La perruque, qui est alors peu portée en dehors des milieux aristocratiques, les talons rouges des chaussures, se conjuguent pour donner à ce bourgeois de Strasbourg, l’image d’une personne influente, ayant les moyens de suivre la mode.
Un costume d’officier
Les livrées des domestiques des grandes maisons nobles se reconnaissaient aux galons de couleur contrastée recouvrant les coutures de leur livrée. Ici, cette particularité vestimentaire n’a pas le même sens puisqu’à travers les galons d’argent de son costume, l’officier se présente comme appartenant à la maison du Roi.
Le poids des réglementations
L’utilisation de rubans de soie et autres passementeries d’or et d’argent était réservée à l’élite aristocratique ou aux personnes ayant des fonctions particulières au service du souverain, comme par exemple les officiers. Ce qui n’empêchaient pas les autres catégories sociales d’essayer de s’en parer, malgré leur coût particulièrement élevé. Afin de mettre fin à ce qui étaient considérées comme des « dépenses excessives (…) en parements et autres ornements d’habits … touchant le luxe » (règlement de police royal du 17 novembre 1667), des règlements et lois étaient régulièrement édités. Sous couleur de limiter les excès en matière d’habillement, elles visaient au maintien des différences entre les classes sociales, chacun devant se vêtir selon sa condition et non au-delà. Il va sans dire que toutes ces lois et obligations étaient régulièrement contournées !
Un milieu à l’écart de la mode
Dans le monde rural, ces obligations n’ont alors pas la même portée, principalement par manque de moyens financiers. Les nouveautés y pénètrent plus lentement, freinées par un conservatisme naturel vis-à-vis des changements. D’où une grande disparité d’habillement selon les milieux sociaux.
Un ex-voto de 1680
Un ex-voto placé dans la basilique de Thierenbach, (Alsace du Sud) nous apporte un autre éclairage sur l’habillement masculin de cette période. Le personnage représenté est un certain Georg Dieterle dont la guérison miraculeuse fait l’objet de l’ex-voto. Il apparaît vêtu d’un justaucorps de facture sobre, sans aucun ornement, boutonné sur le devant. Il porte ses cheveux « au naturel », sans perruque.
Une mode désuète
L’élément intéressant de ce costume est le rabat (col) de toile blanche, de forme carrée, sans ajout de dentelle. En 1680, date où la peinture est réalisée, ce type de col est largement passé de mode. Apparu à la fin du 16è siècle, le rabat ou collet, n’accompagne alors plus à cette époque que les habits de fonction des magistrats et hommes d’église. Il est remplacé par la cravate, agrémentée de dentelles et nouée en jabot sous le menton, comme sur les représentations précédentes.
Le personnage, par la simplicité de son costume et le caractère désuet de sa tenue, indique l’appartenance à un milieu modeste, éloigné des mouvements de mode. Il reflète la manière dont pouvaient se vêtir les hommes des classes populaires à cette époque.
Le long justaucorps va rester longuement à la mode en Alsace. Il se confondra au 18è siècle avec la redingote, venue d’Angleterre.
Remerciements
Crédits photos : Musée Historique de la Ville de Strasbourg
Un remerciement particulier à Monsieur l’Abbé Simon pour son aimable autorisation.
Références
- François Boucher, Histoire du costume en Occident. Des origines à nos jours, Flammarion, 2008
- LELOIR Maurice, Dictionnaire du costume et de ses accessoires, des armes et des étoffes des origines à nos jours, Paris, Gründ, 2012
- Dictionnaire de L’Académie française 4e édition de 1762, p 246
- http://lecostume.canalblog.com/
- https://journals.openedition.org/alsace/1609
- http://emuseumplus.lsh.se/eMuseumPlus?service=ExternalInterface&module=collection&objectId=55788&viewType=detailView
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